Depuis son adolescence, Kim Hong-yul, plus connu sous son nom de scène de Hong 10, pratique le breakdance à un niveau professionnel et il a engrangé au cours du temps nombre de titres lors de rencontres internationales, l’if qu’il se fixe aujourd’hui étant de concourir avec succès aux compétitions des Jeux Olympiques de Paris.
Lors du Red Bull BC One Camp qui se déroulait à Gdańsk en 2021, les participants encouragent Hong 10 de leurs ovations pendant qu’il exécute la figure qui est sa marque de fabrique et qui consiste à tenir à l’envers en ne prenant appui que sur un doigt.
ⓒ Lukasz Nazdraczew, Red Bull Content Pool
L’année 2023 a représenté un tournant dans la vie du célèbre b-boy Hong 10, ou Kim Hong-yul à l’état civil, en raison de la médaille d’argent qu’il a brillamment remportée aux XIXes Jeux asiatiques de Hangzhou malgré la blessure qu’il avait subie à peine un an avant et la période d’inactivité qui avait suivie. Il allait réitérer peu de temps après en s’imposant à l’issue des épreuves du Red Bull BC One, cette compétition mondiale internationale des plus prestigieuses.
L’obtention de ce dernier titre intervient dans son cas pour la troisième fois, après ses succès de 2006 et 2013. Son exploit le place sur un pied d’égalité avec le Néerlandais Menno van Gorp par le nombre de victoires engrangées dans le cadre de cette manifestation d’exception et lui apporte une consécration mondiale en tant que b-boy coréen.
Né aux États-Unis dans les années 1970 et 1980, le sport de rue dit breakdance, ou breaking, s’est répandu dès la décennie suivante chez les jeunes Coréens, dont un collégien en classe de troisième qui, déjà, se faisait appeler Hong 10. L’idée de ce pseudonyme lui était venue en constatant que les b-boys étrangers avaient du mal à prononcer correctement la dernière syllabe de son prénom, mais aussi pour faire un jeu de mots en y substituant le nombre « 10 », qui se dit « yul » en coréen.
La pratique du breakdance exige de faire preuve d’une alliance hors du commun de force, d’équilibre et de souplesse, ainsi que de cette créativité qui fait la renommée de Hong 10, puisqu’il a inventé certaines figures devenues sa marque de fabrique. Il s’agit notamment du « Hong 10 Freeze », qui consiste en un handstand inversé où les jambes se meuvent au rythme rapide de la musique, et du « Two-finger Freeze », où il se tient la tête en bas en ne prenant appui que sur deux doigts. Ces aptitudes ne sont pas sans rappeler celles exigées des gymnastes, en particulier dans des évolutions au sol ou sur cheval d’arçons qui rappellent le breakdance. Alors que les breakers professionnels cessent le plus souvent leurs activités dès qu’ils atteignent une vingtaine d’années, Hong 10 cherche constamment à repousser ses limites physiques à trente-huit ans passés et le fait de s’être blessé ne l’a pas dissuadé d’essayer de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Paris.
Qu’avez-vous ressenti en remportant votre troisième victoire au Red Bull BC One ?
Après être arrivé deuxième, en 2016, j’ai craint de ne plus pouvoir me situer au plus haut et, en conséquence, j’ai pris la décision de me retirer un temps de la compétition. Quand on m’a de nouveau sollicité, en 2022, il m’a fallu refuser, car je ne me sentais pas au mieux de ma forme. Ce que j’ai vécu à mon retour, l’année dernière, après un si long arrêt, était en soi incroyable et la victoire m’a rendu encore plus heureux.
En 2023, alors qu’il venait à peine de remporter une médaille d’argent aux Jeux asiatiques de Hangzhou, Hong 10 allait à nouveau s’imposer en finale mondiale du Red Bull BC One. Il égalait ainsi le b-boy néerlandais Menno van Gorp par le nombre record de victoires engrangées dans cette compétition de renom.
Comment s’est passée la finale du Red Bull ?
À ce moment-là, ma condition physique n’était pas optimale suite à une blessure au genou intervenue juste avant la compétition, outre que j’étais encore éprouvé par ma participation aux Jeux asiatiques, à peine deux semaines avant. En dépit de tout, j’ai gardé un mental étonnamment positif tout au long de la compétition et n’ai pas ressenti la moindre tension. En finale, j’ai affronté Phil Wizard, qui fait lui aussi partie des Red Bull BC One All Stars et que je compte parmi mes meilleurs amis. Le fait de me mesurer à lui avait un côté agréable qui a sûrement été bénéfique à ma prestation.
Quand avez-vous débuté dans le breakdance ?
Je m’y intéressais déjà en classe de troisième, depuis que j’avais vu des amis en faire. Ce qui me plaît le plus dans cette discipline, c’est l’exaltation que suscite la bonne exécution d’une figure complexe. Alors qu’à mes débuts, j’étais enthousiaste à l’idée d’acquérir différentes techniques, j’ai peu à peu éprouvé le besoin de me trouver un style, ce qui m’a amené à créer moi-même de nouvelles figures, puis j’ai poursuivi dans cette démarche qui s’avérait très satisfaisante.
Cette création ne doit guère être facile…
L’invention de figures est d’autant plus difficile qu’il n’existe pas de manière bien définie d’innover. Il faut d’abord trouver une idée nouvelle et, même si l’on en a une de génie, cela ne permet nullement de présumer de sa capacité physique à la mettre en œuvre. La création d’une ou deux nouvelles figures par an tout au plus tient donc du défi. J’ai pris l’habitude de jeter des idées sur le papier avant de les essayer, ce qui s’avère rarement marcher tout de suite. L’important, avant tout, est de persévérer dans ses efforts, sans jamais abandonner, quels que soient les obstacles auxquels on se heurte. Je dirais que mon goût de l’innovation est ce qui m’encourage le plus et depuis si longtemps à poursuivre dans cette voie.
Avez-vous connu des baisses de forme ?
En 2003, j’ai mis en suspens ma carrière de b-boy. L’année d’avant, j’avais participé avec succès à des compétitions internationales renommées telles que la Battle of the Year et les UK B-Boy Championships, dont je n’avais jusque-là connaissance que par ce que j’en voyais dans des vidéos. La réalisation de mes rêves m’a fait douter de ce que je devais faire ensuite et j’ai donc pris la décision de m’arrêter six mois pour exercer un emploi à temps partiel. Puis, des amis sont venus un jour me proposer de me joindre à leur équipe en vue d’un tournoi qui devait avoir lieu. Au fur et à mesure que je m’y préparais, me revenait la passion du breakdance, alors, depuis cette époque, quand il m’arrive d’être dans une mauvaise passe, je préfère travailler à faire mieux plutôt que prendre mes distances.
Parlez-nous de votre médaille aux Jeux asiatiques.
Dans les premiers temps, je ne me rendais pas bien compte de leur importance et n’étais donc pas si enthousiaste que cela d’avoir été sélectionné pour représenter la Corée du Sud, mais, à leur approche, en comprenant à quel point cette manifestation comptait, j’ai senti la pression qui pesait sur moi et les espoirs que je suscitais. Ayant malheureusement été grièvement blessé au genou à peine deux semaines avant le début des compétitions, j’ai fait tout mon possible pour me rétablir à temps, mais en vain, alors la seule possibilité qui me restait était le recours aux analgésiques.
Les épreuves se déroulaient sur deux jours et, le premier, ma seule préoccupation était de tenir le coup, ce que j’ai réussi à faire. Le lendemain, j’ai affronté mon premier adversaire, qui s’est avéré être l’un des principaux prétendants au titre, le Kazakh Amir Zakirov surnommé Amir. Pour ne pas craquer sous la pression à laquelle j’étais soumis du fait des espoirs de victoire, j’ai décidé de m’en tenir à ma manière de faire, ce qui a renforcé ma confiance et m’a permis de triompher. En finale, j’étais en lice avec le Japonais Nakarai Shigeyuki, surnommé Shigekix, et j’ai perdu de justesse, à une voix près, finissant donc deuxième, ce qui m’a un peu déçu.
Le danseur Hong 10 participe à une répétition avec le groupe FLOWXL dans un studio du quartier de Hongdae situé à Séoul. Adepte du breakdance depuis son adolescence, ce b-boy poursuit une brillante carrière internationale entamée voilà plus de vingt ans.
Comment vous préparez-vous aux JO 2024 ?
Afin d’y participer, il me faudra passer avec succès les épreuves de qualification, qui auront lieu en mai et juin, et ce n’est qu’en me classant parmi les dix premiers que je pourrai prétendre à une participation aux Jeux. Dans l’immédiat, je me fixe donc pour if de me qualifier en réalisant une bonne prestation.
Combien de temps comptez-vous encore concourir ?
La pratique du breakdance est indissociable de l’esprit de compétition et, en renonçant à concourir, je me priverais de la participation aux battles. S’il me reste la possibilité de poursuivre une activité dans cette discipline, en tant que juge, par exemple, je devrai tôt ou tard arrêter la compétition. Par ailleurs, en choisissant de ne danser que pour le plaisir, sans chercher à gagner, je semblerais d’une certaine manière faire mes adieux. J’ignore combien de temps encore je pourrai continuer à pratiquer, mais je sais, en revanche, que j’aimerais rester dans l’arène aussi longtemps que possible. Toutefois, après mon entraînement intensif pour les Jeux Olympiques, j’aurai certainement besoin de m’accorder une pause.
Quel souvenir aimeriez-vous que les jeunes danseurs gardent de vous ?
J’aimerais que l’on se souvienne de moi comme de quelqu’un qui a donné le meilleur de lui-même pour faire évoluer le breakdance coréen. En ce moment, je réfléchis à des moyens de rendre cette discipline plus attirante pour les jeunes et, si je n’ai pas encore mis au point de projet concret, je reste ouvert à toute idée valable. J’espère aussi que les figures que j’ai inventées, comme le Hong 10 Freeze, seront pratiquées et appréciées longtemps après que l’on aura oublié mon nom. C’est le plus beau témoignage d’estime que je souhaiterais voir récompenser mon travail.
Yun Danwoo Critique de danse
Heo Dong-wuk Photographe